Les promesses de l’aube

Article : Les promesses de l’aube
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19 mai 2014

Les promesses de l’aube

Alléchés par l’odeur des millions de l’arène sénégalaise, de plus en plus de lutteurs s’investissent corps et âme pour changer leur quotidien précaire. Au prix d’énormes sacrifices, avec entraînement à l’aube et après-midi, ces lutteurs endurent les extrêmes pour s’offrir des vies meilleures.

Des lutteurs se donnent à fond sur la plage
Des lutteurs se donnent à fond sur la plage

Le mouvement rythmé de leurs foulées résonne, dans un ensemble coordonné, sur la plage de Cambérène. La bande de lutteurs sue fort et trime bas comme une escouade de forcenés. Tout y passe : appui-avant, marche-canard, résistance et genoux. Un des colosses du groupe pousse par moment un cri de guerre, pour réveiller la troupe qui déchire l’aube somnolente. Il est 6 heures du matin et les abords du mausolée de Seydina Rouhou Lahi ressemblent à une écurie de lutte. La foule des amateurs au moins.

Un petit vent matinal excite les vagues de mer sans sécher la sueur qui dégouline du corps des lutteurs. A mesure que les rayons de soleil chassent les grains de la nuit, la bande des « gladiateurs » intensifie les activités comme pour profiter encore des effets oxygénants de l’aube. Le choix de s’entraîner à cette heure n’est pas fortuit. « L’aube est le secret du lutteur. C’est le moment de la journée où le sportif peut obtenir tout ce qu’il veut », révèle sibyllin, Alioune Diaw alias « Lindo », 26 ans, géant lutteur de 1,92 m pour 90 kg de l’écurie Rock Energie de Modou Lô, le lutteur le populaire du Sénégal.

Son camarade, Oumar Guindo, 22 ans ; morphologie de videur de boîte de nuit, expire à gros poumon et se laisse tomber de fatigue. Le souffle encore, court, il soupire : « On ne peut pas espérer de victoire dans l’arène sans s’entraîner à l’aube. C’est une question de sacrifices ».

Levé à 5 heures du matin, du lundi au samedi, les lutteurs enchaînent par un entraînement physique jusqu’à 7 heures, puis petit déjeuner avant de rallier une salle de sport vers midi pour faire de la musculation.

Quand le premier appel du muezzin retentit à l’aube, ils sont plusieurs lutteurs à se lever. Ils regagnent la plage.

Dans ce monde de lutteurs où le sacrifice et le courage sont érigés en religion, il se trouve pourtant des athlètes que l’air gratifiant de l’aube ne motive plus. Comme « Lindo », qui avoue à demi-mot qu’il lui arrive parfois de sécher les entraînements de l’aube par lassitude.

Dans la fraîcheur matinale, les lutteurs enchaînent les appuis-avant au sol. Tout ça pour l’appel des arènes mais également des millions. Le secret des millions de l’arène serait-il dissimulé dans les sacrifices de l’aube ? Les lutteurs donnent leur langue au chat !!!

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